Une « clause nation » comme rempart au poids politique du Québec

Saint-Félix-de-Valois, 9 février 2022 – Le Bloc Québécois a déposé un projet de loi ajoutant au texte de la Loi constitutionnelle de 1867 une « clause nation » fixant au seuil minimal de 25% la proportion de députés du Québec au sein du parlement canadien. Alors qu’une nouvelle diminution de la représentativité du Québec est prévue au prochain redécoupage électoral, cette « clause nation » se pose en rempart au poids politique du Québec, seule juridiction francophone au sein de la fédération.

Fiche technique, poids du Québec dans le Canada : un constant déclin

• Le 15 octobre dernier, le Directeur général des élections (DGE) a publié la nouvelle répartition des sièges à la Chambre des communes.  Cet exercice se fait tous lesdix ans.

• En vertu de la nouvelle répartition, la Chambre compterait 342 députés (quatre nouveaux sièges), mais le Québec n’en compterait que 77 (perte d’un siège), ce qui ferait passer le poids politique du Québec à la Chambre des communes de 23,1% à 22,5%.

• Cette nouvelle répartition des sièges marquerait la poursuite d’une tendance constante depuis 1867, où le poids du Québec s’affaiblit sans cesse :
1867 – 65 sièges sur 181 – 36%
1947 – 73 sièges sur 255 – 28,6%
1976 – 75 sièges sur 282 – 26,6%
1999 – 75 sièges sur 301 – 24,9%
2015 – 78 sièges sur 338 – 23,1%

Formule actuelle de répartition des sièges

• La formule de répartition étant inscrite dans la constitution de 1867, le DGE n’a pas de latitude pour déterminer le nombre de sièges à la Chambre des communes. Son pouvoir se limite à proposer la délimitation des circonscriptions; pas d’en changer le nombre.
• La seule façon de modifier le nombre et la répartition des sièges est de passer par la voie législative, en modifiant l’article 51 de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique. L’article 44 de la constitution de 1982 prévoit que le Parlement fédéral a le pouvoir de faire cette modification.

1. D’abord, il détermine la population par circonscription (appelé quotient électoral) en évaluant la hausse de population depuis le dernier exercice de répartition. Ainsi, avec une hausse de population de 9,647% en dix ans, on arrive à 121 891 habitants par circonscription. Le nombre de sièges attribués initialement à chaque province se calcule en divisant le chiffre de la population de chacune d’elles par le quotient électoral.

2. Une fois obtenu le nombre initial de sièges attribués à chaque province, des ajustements sont faits pour tenir compte de la « clause sénatoriale » et de la « clause des droits acquis ».
• La clause sénatoriale garantit qu’aucune province ne peut avoir à la Chambre des communes moins de sièges qu’au Sénat, ce qui garantit quatre sièges à l’Île du Prince Edouard, même si sa population n’en justifierait qu’un seul.
• La clause des droits acquis garantit qu’aucune province ne peut avoir moins de sièges qu’elle n’en avait en 1985, ce qui empêche les provinces maritimes et certaines provinces des Prairies de perdre des sièges, même si leur poids relatif diminue constamment. La clause des droits acquis suppose un plancher de 75 députés au Québec.
3. On applique ensuite la règle dite « de représentation ». Cette règle, qui s’applique seulement à une province dont la population était surreprésentée à la Chambre des communes lors de la dernière révision, prévoit qu’on lui ajoute des sièges pour lui éviter d’être sous-représentée. En vigueur depuis l’élection de 2015, elle a permis au Québec d’obtenir trois nouveaux sièges. Cette règle est cependant inapplicable dans le processus actuel de révision.
• Ces trois nouveaux sièges ont été acquis après une chaude lutte du Bloc Québécois qui s’appuyait sur une résolution unanime de l’Assemblée nationale réitérant « que le Québec, en tant que nation, doit pouvoir bénéficier d’une protection spéciale du poids de sa représentation à la Chambre des communes » et demandait « aux élus de tous les partis politiques (siégeant à Ottawa) de renoncer à adopter tout projet de loi ayant pour effet de diminuer le poids de la représentation du Québec à la Chambre des communes ».
4. Une fois les clauses spéciales et la règle de représentation appliquées, le nombre de sièges pour chaque province est convenu, puis trois sièges sont ajoutés, soit un pour chacun des trois territoires, et ce même si leur population ne leur en justifierait qu’un seul.

Le début d’un long processus

• La publication de la nouvelle répartition n’est que la première des dix étapes d’un processus qui devrait s’échelonner jusqu’au printemps 2024, avec l’entrée en vigueur d’un nouveau décret de représentation.
• Les étapes à venir concernent la délimitation des circonscriptions et non leur nombre, qui découle de l’application mécanique de la formule prévue à la Constitution. Le DGE ne peut rien y faire : l’enjeu est législatif.
• Un changement législatif modifiant la formule de répartition des sièges aurait vraisemblablement pour effet de retarder l’entrée en vigueur de la nouvelle carte électorale. C’est ce qui s’est produit lors de la dernière révision.

Protéger le poids du Québec

• La répartition des sièges à la Chambre des communes est plus qu’un simple exercice arithmétique où l’on divise la population d’une province par le nombre d’habitants par circonscription.
• Même si la Constitution affirme le principe de représentation proportionnelle à la population, elle prévoit des exceptions pour assurer une représentation effective, ex. : clause sénatoriale, clause des droits acquis, représentation des territoires.
• Dès 1987, les tribunaux ont reconnu que ces exceptions sont légitimes pour assurer une représentation effective.
• L’Accord de Charlottetown s’appuyait en 1992 sur le fait que le Québec constitue une société distincte pour garantir au Québec qu’il n’aurait jamais moins de 25% du nombre total des sièges à la Chambre des communes. Même si cet accord n’est jamais entré en vigueur, la Chambre des communes en a approuvé le texte.
• Depuis, la Chambre des communes a reconnu à plusieurs reprises que les Québécoises et les Québécois forment une nation.

Position du Bloc Québécois

Le Bloc Québécois s’oppose à la répartition proposée à l’automne par Élections Canada en vertu de laquelle le Québec serait seul à perdre un siège à la Chambre des communes, alors que l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique y feraient des gains. Le Québec passerait de 78 à 77 sièges, tandis que la Chambre des communes s’accroîtrait de 338 à 342 élus.

• Afin de freiner le déclin du poids du Québec à la Chambre des communes et garantir une représentation effective à la nation québécoise, le Bloc Québécois propose d’enchâsser au texte de loi constitutionnel, le seuil minimal d’attribution des sièges pour le Québec qui ne pourrait désormais compter moins de 25% des sièges à la Chambre des communes.

• Cette « clause nation » s’ajouterait à la clause sénatoriale et de la clause des droits acquis.

• Cette modification à l’article 51 de la Constitution proposée par le Bloc Québécois aurait pour effet de faire passer à 89 le nombre de députés québécois à la Chambre des communes, et rehausserait le nombre total de députés à la Chambre à 354 (contre 338 actuellement et 342 en 2024 selon la proposition du DGE), soit 25,14% du total.

• Le nombre de sièges des provinces et territoires canadiens demeurerait tel qu’indiqué par le DGE dans la répartition qu’il a publiée le 15 octobre dernier.

Citations

« Il est d’emblée exclu que le poids politique du Québec soit réduit et c’est d’autant plus inadmissible que l’État québécois, tant qu’il en fait encore partie, représente le seul État de la fédération dont la seule langue commune et officielle est le français. Quand le Québec recule, le français recule; le poids relatif du français dans le parlement fédéral recule. Dans un parlement en croissance, la protection du poids de la nation québécoise implique non seulement que le Québec ne perde pas de siège, mais bien que si quatre sièges s’ajoutent, l’un d’entre eux aille au Québec », affirme le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet.

« Cependant, cet ajout ne suffit pas. Il faut établir un processus permanent de préservation de la nation québécoise et de son poids au sein de la fédération jusqu’au moment où les Québécois pourraient choisir un avenir différent, soit la souveraineté. On constate en effet un glissement rapide et inquiétant du pouvoir politique du Québec au sein de cette fédération. Tranquillement, progressivement, mais de façon inexorable, le poids, l’importance, l’influence, l’autorité du Québec à l’intérieur du Canada se réduisent. Il faut intervenir. Tant que nous ne serons pas indépendants, il faut des représentants du Québec à Ottawa pour voir aux intérêts des Québécois. Il demeure important qu’ils puissent être écoutés et entendus. », fait valoir le député de Joliette, Gabriel Ste-Marie.

De son côté, le député de Berthier-Maskinongé rappelle que le 16 juin 2021, la Chambre des communes a massivement reconnu le statut de nation française au Québec : « La « clause nation », c’est le test de cette reconnaissance au sein de la fédération canadienne. Une vaste majorité des députés de la Chambre a voté en juin dernier en faveur de cette motion. C’est donc en toute logique que nous nous attendons à ce que le fédéral s’abstienne de contester ou de remettre en question les choix de la nation québécoise. Il est sain et légitime que la nation du Québec protège son poids politique et son influence dans la fédération. Nous verrons comment sera accueilli notre projet de loi par le fédéral. Les Québécois en tireront leurs propres conclusions », conclut Yves Perron.

Sources :

Bureau de Gabriel Ste-Marie, Sarah Elisabeth Aubry, responsable des communications

Bureau de Yves Perron :Julie Boucher, responsable des communications

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